"Je verrai toujours vos visages"
Film sur la Justice restaurative. (Bande annonce)
Nous avons déjà à plusieurs reprises parlé, au sein de la CEDEF, de la justice restaurative. Encore récemment, lors du jubilé des 40 ans de notre commission, à Paris le 15 octobre dernier, un exposé lui était consacré, présenté par Claudine Figueira, de l’association ‘A cœur ouvert’.
Nous sommes donc très heureux de saluer la sortie au cinéma, le 29 mars dernier, du magnifique film de la réalisatrice Jeanne Herry, intitulé « Je verrai toujours vos visages ». C’est son troisième long métrage, après notamment le bouleversant « Pupille », qui lui avait valu 7 nominations aux César 2019.
Le 15 août 2014, une loi permettant la mise en place de mesures de justice restaurative avait été inscrite dans le code de procédure pénale en France. Cette loi avait d’ailleurs été promulguée sur la proposition des membres de la plateforme française pour la justice restaurative, elle-même initiée par un petit groupe de la Fédération protestante. Il est donc possible, légalement, de proposer la justice restaurative à des personnes victimes et auteurs d’infraction, dans des dispositifs sécurisés, encadrés par des professionnels et des bénévoles.
Ce film de Jeanne Herry montre Nawelle, Grégoire et Sabine, victimes de braquages, de homejacking et de vol à l’arraché, mais aussi Chloé, victime de viols incestueux, s’engager dans des mesures de justice restaurative, avec l’aide de bénévoles et professionnels que sont Judith, Fanny ou Michel.
Elles vont pouvoir rencontrer, dans une salle de prison – en cinq séances d’une après-midi - Nassim, Issa, et Thomas, condamnés pour vols avec violence. Chloé, elle, pourra rencontrer son frère qui l’avait agressée sexuellement étant jeune. Des moments forts en émotions, où colère, silence, interrogations, larmes s’expriment, aboutissant vers la fin du processus sur des prises de conscience, de l’espoir, du soulagement, de la confiance retrouvée, et même une sorte de réparation et restauration pour certains participants. Du vécu, donc, sans pathos ou angélisme, mais rempli de réalisme et finalement de promesses d’espérance.
Notons que des responsables de l’Institut français pour la justice restaurative ont – durant tout le tournage du film – encadré et épaulé les actrices/acteurs dans leur interprétation.
Dans « Je verrai toujours vos visages », Jeanne Herry nous donne d’entrer dans deux processus différents et complémentaires de justice restaurative.
Il y a la médiation, qui cherche à se construire dans l’histoire d’un viol incestueux sur Chloé (Adèle Exarchopoulos) par son frère Benjamin (Raphaël Quenard).
Et il y a aussi un autre processus de justice restaurative, également fil conducteur du scénario, qui se déroule dans une salle d’une prison française, sous la forme d’un groupe de parole, permettant à des victimes d’agressions, Sabine (Miou Miou), Grégoire (Gilles Lellouche) et Nawelle (Leila Bekhti), de rencontrer et parler avec des condamnés (qui ne sont pas les auteurs directs des agressions de ces victimes), Nassim (Dali Benssalah), Issa (Birane Ba) et Thomas (Fred Testot) qui acceptent le défi et les règles précises qui encadrent tout cela.
Ces deux récits parallèles se croisent par le biais des rencontres entre Michel (Jean-Pierre Darroussin), Fanny (Suliane Brahim) et Judith (Elodie Bouchez), tous trois intervenants de cette justice restaurative, avec – au début et à la fin du film – des rencontres de ces trois intervenants avec leurs responsables de programme.
Rappelons que la justice restaurative puise sa source dans deux directions.
D’une part la justice communautaire pratiquée traditionnellement par les tribus amérindiennes ou aborigènes pour ressouder les liens mis à mal par une injure, une trahison ou un crime grave au sein d’une communauté (le principe africain d’Ubuntu étant aussi semblable).
D’autre part, une compréhension et interprétation des textes de l’Ancien Testament, où la notion de justice va bien au-delà du verdict ou du jugement, pour explorer et englober les pistes de la miséricorde, de la compassion, de la générosité, bref de l’amour du prochain. Ce sont des agents de probation chrétiens de confession mennonite qui ont commencé à la proposer dans les années 1970 aux Etats-Unis et Canada, et ce avant de s’étendre à bien d’autres pays.
La justice restaurative a donc pour objectif d’offrir à la personne (victime ou auteur d’une infraction), ainsi à ce qu’on appelle ‘la communauté’ (famille, voisinage, quartier), un espace de dialogue sécurisé et respectueux de tous ceux qui y participent. Par l’écoute mutuelle entre les participants, elle contribue à la reconstruction de la victime, à la responsabilisation de l’auteur, à sa réintégration dans la société, à l’apaisement de tous, avec un objectif large de rétablissement de la paix sociale.
Finalement, un des objectifs des chrétiens voulant œuvrer dans le monde !
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