John Howard (1726-1790), le réformateur des prisons
José Loncke dresse le portrait d'une grande figure et en résume ici les principaux traits.
En 1994, la direction de l’administration pénitentiaire au ministère de la Justice, envoie à tous les directeurs de prisons de France, un curieux ouvrage. Il s’agit d’une traduction entièrement nouvelle d’un ouvrage écrit en 1777 par un anglais, John Howard (1).
John Howard (1726-1790) est un philanthrope britannique qui a beaucoup écrit sur l'état des prisons et des hôpitaux de la fin du 18e siècle en Angleterre et en Europe et qui a milité pour une réforme des conditions de vie des prisonniers.
Prisonnier
En 1756, Howard veut visiter Lisbonne ravagée par le terrible tremblement de terre. Lors du voyage de retour, le navire d’Howard, est capturé par un corsaire français. Howard, est traité avec cruauté ainsi que l'équipage et les passagers. Ils sont ensuite transportés à Brest, et confinés dans le Château comme prisonniers de guerre.
Tout cela semble avoir dirigé l’esprit d’Howard dans la direction qui devait ensuite être l’œuvre de sa vie. En 1758, il s'installe dans le Bedforshire, et commence une vie de philanthrope. Il est nommé shérif et exerce rapidement toutes ses fonctions avec une sorte de zèle frénétique qui ne s’arrêtera plus. Il entreprend scrupuleusement l’inspection des prisons locales. Par la suite, il consacre son temps et ses forces (ainsi qu’une bonne partie de sa fortune) à la réforme des conditions de vie dans les prisons en Angleterre et en Europe.
Il commence à visiter systématiquement toutes les prisons des villes et comtés du Royaume-Uni. Ayant l'expérience de la prison, Howard est particulièrement affecté par la misère qu'il y découvre. Il se sent contraint de saisir le Parlement. Il dénonce notamment la situation désastreuse des plus démunis.
En 1777, paraît la première édition de son rapport d'inspection et des solutions qu'il propose sous le titre : "The State of the Prisons", l'État des prisons. L’ouvrage sera réédité en 1784. Dans ce livre, John Howard soutient avec passion et démontre par son engagement, que chaque citoyen est en fin de compte responsable du système de justice pénal de la société dans laquelle il vit.
En 1779, sous son influence, la Chambre des communes vote la loi obligeant à libérer les accusés sur lesquels pèsent des charges insuffisantes, et substitue aux frais d’emprisonnement un salaire pour les gardiens, à la charge des comtés. Une autre loi rend obligatoire les soins de santé pour les détenus et l'entretien des installations pénitentiaires.
Enquêtes en Europe
D'avril à juin 1775, Howard effectue dans un but comparatif, un premier périple continental.
De nombreux autres voyages d'observations suivent jusqu'en janvier 1790, date de son décès, formant distinctement sept périples britanniques, plus sept périples continentaux.
A la fin de sa vie, Howard accorde une attention particulière aux lazarets (lieux de mise en quarantaine), hôpitaux et hospices, notamment en Italie, et dans l’Europe orientale, qui ont été voués au contrôle des maladies infectieuses et qui sont souvent des lieux d’enfermement et de contrainte pour les plus pauvres. En 1789, son dernier grand ouvrage est achevé et sa publication lui apporte une consécration bien méritée : : "An Account of the Principal Lazarettos of Europe" (Un récit des principaux lazarets d’Europe).
L’homme
Howard est un homme courageux. Son courage se manifeste par la manière dont il pénètre dans des endroits grouillants de maladie et de mort, mais aussi par la hardiesse de ses discours aux grands de son temps. Mais on n'est pas impunément un homme des prisons ni un arpenteur aussi méticuleux. Howard a un caractère parfois irascible, sinon hypocondriaque.
L'explication de la vie d’Howard se trouve dans sa foi. Howard était en effet, « un chrétien évangélique très sérieux ». Si son engagement a été si intense c’est parce qu'il croyait que la mission de Dieu pour lui était de soulager la détresse des prisonniers.
Influence
L'influence de John Howard sera importante sur la critique et les réformes des prisons à la période révolutionnaire, en particulier chez le Français Mirabeau et l’Anglais Samuel Romilly.
Natalia Muchnik, directrice d’études à l’EHESS écrit que ce n’est « que sous l’impulsion des Lumières… et des réformateurs du 18e siècle, soucieux des conditions de détention, tels que John Howard, que les supplices et la peine de mort furent relégués au second plan au profit de la prison pénale, perçue comme une forme de progrès ».
De son côté, le professeur Jacques-Guy Petit, auteur de la thèse « Ces peines obscures. La prison pénale en France (1789-1870) » écrit :
« Mais ce qui compte le plus, à la lecture de Howard aujourd'hui, c'est la pertinence et la constante actualité de son analyse du carcéral... Jeunesse du vieux Howard, du philanthrope névrosé, puisant dans sa part d'ombre le courage de jeter une lueur sur l'obscurité de son temps, dont le nôtre reste encore proche. ».
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(1) HOWARD (J.), L'État des prisons, des hôpitaux et des maisons de force en Europe au XVIII' siècle, traduction nouvelle et édition critique par Christian Cartier et Jacques-Guy Petit, Paris, Éditions de l'Atelier, 1994 (traduction des éditions anglaises de 1777 et 1784, publiée en français en 1788).
Bibliographie
• AUZENET Philippe, Quand la justice nous casse, Paris : Le Sarment-Fayard, 2001, 330 p• AUZENET...
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